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Rhum

L’histoire du rhum, l’alcool « tue-diable » gorgé de soleil

octobre 2020
Photo de Palle Knudsen sur Unsplash

Aujourd’hui plébiscité en mixologie et dans les plus grands bars, le rhum n’a pas toujours eu aussi bonne presse.

Longtemps considéré comme un alcool de mauvaise qualité, pour pirates, soldats et esclaves, il a beaucoup voyagé avant d’acquérir ses lettres de noblesse. Petite histoire d’un grand alcool : le rhum.

L’origine du nom rhum

Aucune explication n’a jamais été réellement vérifiée concernant l’étymologie du mot “rhum”. Si les linguistes n’ont jamais réussi à trancher ni à expliquer la présence de ce “h” au milieu du nom de l’alcool, quelques grandes tendances se détachent tout de même. 

Il pourrait provenir d’une abréviation d’un mot du dialecte du Devon  “rumbullion” ou  “rumbustion”, qui désigne une bagarre, un grand tumulte, un charivari. Mais cela pourrait être également une forme abrégée de “rumbullion”, attesté depuis 1652 comme terme désignant cette boisson, d’origine inconnue, ou du vieux mot normand “rombollion” (“rond-bouillon”), qui désignait des alcools distillés à partir de cidre ou de poiré. Ou alors cela est peut-être tout simplement le raccourci du terme latin “saccharum”, qui désigne la canne à sucre.

17ème siècle : la naissance du rhum, de la Nouvelle Guinée à la Barbade

Tout commence donc avec la canne à sucre. Originaire de Nouvelle-Guinée, cette plante qui ne se développe que dans un climat chaud aurait été introduite par les Perses en Méditerranée au 6ème siècle puis par les Arabes lors des conquêtes de l’Espagne et des Îles Canaries. Elle arrive avec Christophe Colomb au 15ème siècle à Saint Domingue. Si sa culture se développe énormément pendant tout le 16ème siècle, il faudra attendre le 17ème siècle pour voir apparaître les premières distilleries produisant du rhum de manière officielle.

Une seule chose est certaine pour tous les historiens : la plus vieille distillerie (toujours en fonction) se trouve à Mount Gay, à la Barbade et date de 1703. 

Mais l’on trouve des traces un peu plus anciennes de la production du rhum dans certains écrits. En 1640, le Père Bouton énonce, en parlant des esclaves : ils aiment fort l’eau-de-vie, qu’ils appellent du brusle-ventre ». C’est là la première référence française de consommation de rhum. En 1667, dans son Histoire Générale des Antilles, le père du Tertre écrit : « les écumes des secondes et troisièmes chaudières, et tout ce qui se répand en le remuant, tombe sur le glacis des fourneaux et coule dans un canot où il est réservé pour en faire de l’eau-de-vie »

Le Navy Rum

L’on sait également que le rhum était plébiscité par les soldats de la couronne britannique. En effet, à partir du 17ème siècle, les marins de la Marine Royale britannique avaient tous droit à une dose journalière de rhum (parfois issu de la production de la Royal Navy elle-même), appelée rum ration ou tot. Une ration assez conséquente puisqu’elle atteignait une pinte  (environ un litre !) en 1655, à l’époque de la conquête de la Jamaïque par les britanniques. Elle fut réduite progressivement jusqu’à deux onces (environ 6cl) à la fin des années 1960. Une tradition qui perdura jusque tard puisqu’elle ne prit fin que le 31 juillet 1970. Un jour “noir” qui a été baptisé le “Black Tot Day”.

Rhum et Code noir

A quoi ressemble le rhum au 17ème siècle ? Longtemps appelé “kill-devil” (tue-diable) ou  “rumbillion” (tumulte) par les Anglais, “guildive” (déformation de l’anglais “kill devil”) par les Français, “cachaça” en portugais, le rhum est une boisson très forte et peu raffinée. Produite à partir de mélasses chargées d’impuretés, distillées de façon rudimentaire, elle est principalement consommée par les esclaves et les flibustiers. Tristement lié à la sombre histoire de de l’industrie sucrière et donc de la colonisation et de l’esclavagisme, le rhum est une eau-de-vie trop violente pour être appréciée par les colons, qui préfèrent la donner à leurs esclaves, quand ils le décident. 

On en trouve d’ailleurs des traces dans le “code noir” ou “édit du roi sur les esclaves des Îles de l’Amérique” que Louis XIV fait rédiger en mars 1685, dont l’objet est de fixer les droits et devoirs des esclaves et des maîtres. Il est ainsi dit dans l’article 23 : « leur défendons [aux maîtres] de donner aux esclaves de l’eau-de-vie de canne ou guildive pour tenir lieu de subsistance »

Le “coup de tafia” est alors considéré comme une libéralité, un petit “plus”, à discrétion, en fonction du mérite, selon le travail rendu.

Le tafia, ancêtre du rhum

Le terme de “tafia” est très souvent lié au rhum, comme expliqué dans cet article. Pourquoi ? Parce que c’est le mot (peut-être l’abréviation de “ratafia”) qui fut utilisé au 16ème et 17ème siècle pour désigner l’alcool de canne. On n’utilisa le terme de rhum qu’en 1770 pour désigner un tafia de qualité supérieure.

En août 1639, de Poincy, lieutenant général des Îles d’Amérique accorde le monopole de la distillation d’eau-de-vie de canne à Saint-Christophe et en Martinique pour dix ans à un certain Monsieur Fague. Il s’agit de la plus ancienne référence de la production de tafia dans les Antilles françaises. 

Le Père Labat, créateur du rhum d’aujourd’hui ? 

C’est le père missionnaire Jean-Baptiste Labat, envoyé aux Antilles, qui, par sa connaissance des techniques de distillation, va permettre le perfectionnement du processus de fabrication du tafia. Avant lui, le rhum qui sortait des alambics rudimentaires était une eau de vie rustique et très forte, à l’odeur acre. En 1694, le Père Labat perfectionne donc le procédé de production en introduisant l’alambic. Son but n’étant pas du tout commercial mais scientifique, puisqu’il utilise cet alcool comme un médicament pour lutter contre la fièvre. De nombreuses sucreries vont alors s’adjoindre une distillerie. Avec ces améliorations de distillation, la qualité du rhum s’affine et les négociants commencent à charger des fûts de tafia sur leurs vaisseaux. Le séjour du rhum dans les tonneaux de chêne lui donne alors cette couleur ambrée que les européens prennent pour naturelle, alors qu’à la sortie des alambics, l’alcool est évidemment incolore.

Quand le rhum monte en gamme


Ce n’est qu’à la fin du 17ème siècle que la qualité du rhum s’améliore. Chassés du Brésil par les Portugais, les Hollandais s’installent en Guadeloupe et en Martinique. Leur arrivée va apporter des changements importants, comme expliqué dans
cet article

  • Les Hollandais font découvrir aux locaux leurs techniques de raffinage du sucre et leurs méthodes de distillation qui sont plus modernes et qui améliorent la qualité du rhum.
  • La Barbade, la Jamaïque et Saint-Christophe sont les premières îles des Caraïbes à produire du rhum. Grâce aux Hollandais, la Guadeloupe et la Martinique vont très vite rattraper leur retard.

18ème siècle : à l’abordage de l’Amérique du Nord

La production du rhum continue de se développer pendant tout le 17ème siècle. Et rien ne semble pouvoir arrêter cette belle expansion au 18ème siècle. Même pas, en 1713, l’interdit royal de distiller, impossible à appliquer et immédiatement contourné par l’esprit frondeur de tous ceux qui peuplent les colonies, quelle que soit leur condition. Mais transport comme commerce du rhum demeurent cependant cantonnés aux seules colonies françaises. Les portes du royaume restent fermées à l’eau-de-vie de canne. 

Au 18ème siècle, la production et les techniques de distillation s’améliorent en qualité et le rhum fait des adeptes parmi les élites locales. Si bien qu’il se lance à l’abordage de l’Europe et de l’Amérique du Nord. Dans les années 1770, la demande des colonies anglaises d’Amérique-du-Nord se fait tellement forte que des distillateurs tentent de produire une eau-de-vie de canne – désormais appelée rhum – correspondant mieux au goût des Anglais.

Il faut cependant attendre la fin de la guerre d’Indépendance des Etats-Unis pour que les autorités françaises s’engagent clairement (en 1786) à encourager à Saint-Domingue une production de rhum correspondant à la demande du marché nord-américain.

19ème siècle : La Martinique, plaque tournante du rhum 

On peut situer la naissance à la Martinique d’une production rhumière autonome (indépendante de la sucrerie) dans la seconde moitié du 19ème siècle. C’est à cette période que la colonne à distiller, qui permet une distillation en continu, remplace progressivement l’alambic. Pendant une bonne trentaine d’années, la Martinique devient l’un des plus importants pays producteurs de rhum. 

A la fin du 19ème, la chute des cours mondiaux du sucre puis l’éruption de la montagne pelée en 1902 conduit à la faillite plusieurs unités sucrières et distilleries, incitant des petits planteurs des Antilles françaises à se reconvertir vers la fabrication d’un nouveau rhum, le rhum agricole (ou rhum habitant), eau-de-vie obtenue par distillation du pur jus de canne fermenté. Plus végétal, terreux ou fruité, il va connaître un beau succès auprès des troupes durant la première guerre. Enfin, de 1922 à 1960, une loi sur la limitation des importations non nationales d’alcools permettra encore une présence plus significative du rhum martiniquais dans les habitudes de consommation du vieux continent.

Le rhum cubain, un cas à part

La canne à sucre arrive sur l’île de Cuba avec Christophe Colomb en 1493 et le climat des caraïbes comme son sol riche et fertile en font la terre de prédilection pour sa culture. Si les premiers colons distillent eux même leur eau-de-vie (également appelée tafia), ce n’est qu’au début du 19ème siècle, avec l’arrivé des premiers alambics sur l’île, que l’on commence à produire un spiritueux de bonne qualité. Le père du rhum cubain s’appelle Pedro Diago. C’est lui qui le premier, a eu l’idée, au 19ème siècle, de distiller le rhum à la manière des grands alcools d’Europe comme le whisky ou le cognac. Et donc de conserver les fameuses « aguardientes » dans des jarres enterrées pour affiner le produit, le rendre plus léger en goût, et l’expédier à la couronne d’Espagne pour satisfaire la soif d’exotisme de la péninsule.En 1848,  Cuba  compte trois distilleries modernes et d’innombrables moonshines qui produisent une aguardiente. C’est à cette époque qu’on prend l’habitude de distinguer le ‘ron’ de ces eaux-de-vie plus grossières et la modernisation est favorisée par la couronne espagnole qui entend améliorer encore la production. Depuis, les fameux Maîtres Rhumiers cubains « Maestros Roneros » ont massivement participé à l’excellence des rhums cubains.

 

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